L’Art Déco renaît : Paris s’apprête à célébrer l’artisanat et le patrimoine au Salon du Patrimoine 2025
- Geraldine Provost
- il y a 3 jours
- 4 min de lecture
Paris sait marquer les anniversaires avec éclat, et l’automne prochain ne fera pas exception. Du 23 au 26 octobre 2025, les galeries voûtées sous le Louvre se transformeront en un forum vivant réunissant restaurateurs, doreurs, ébénistes, tailleurs de pierre, maîtres-verriers et les conservateurs de musées qui dépendent de leur savoir-faire. L’occasion ? La 30e édition du Salon International du Patrimoine Culturel, un événement qui, depuis trois décennies, est devenu le rendez-vous incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à la manière dont la France restaure, protège et réinvente ses trésors culturels. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 300 exposants, 20 000 visiteurs attendus, des contrats signés sur place, et un programme de conférences qui stimule chaque année de nouvelles collaborations entre institutions publiques et ateliers privés.

Pour cette édition anniversaire, Ateliers d’Art de France – l’organisateur du salon – a choisi un thème irrésistible : « Patrimoine & Art Déco ». Et le calendrier ne pouvait pas mieux tomber. En 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes ouvrait à Paris, donnant naissance à une esthétique encore furieusement moderne aujourd’hui : rayons stylisés, silhouettes en ziggourat, placages exotiques, chrome, laque et l’idée que le luxe pouvait être à la fois fait main et tourné vers l’avenir. Un siècle plus tard, l’édition 2025 du salon rendra hommage à cet héritage en invitant les exposants à présenter des restaurations Art Déco, des objets rares, des matériaux d’époque, ainsi que des créations contemporaines inspirées de la géométrie élégante du mouvement. On pourra s’attendre à des démonstrations d’ateliers de laque recréant les noirs profonds d’Eileen Gray, des mosaïstes expliquant comment se procurer du smalti authentique, ou encore des marbriers détaillant l’art de réparer une cheminée ébréchée sans trahir son authenticité des années 20.
Le lieu peut sembler prestigieux, mais l’ambiance est tout sauf intimidante. Lors des éditions précédentes, on croisait aussi bien des artisans solitaires que des manufactures historiques fournissant les palais royaux. Le public peut voir un doreur sur cuir appliquer la feuille d’or sur le dos d’un livre du XIXe siècle, puis, quelques stands plus loin, observer comment un scanner 3D cartographie une voûte gothique. Les acheteurs de musées arrivent avec des listes précises, les propriétaires de châteaux cherchent un spécialiste du plâtre, les étudiants en architecture viennent simplement s’émerveiller. Très vite, on comprend pourquoi l’UNESCO considère ces métiers d’art comme un patrimoine vivant, aussi vital que les monuments eux-mêmes.
En coulisses, Ateliers d’Art de France joue un rôle essentiel. Créé il y a 150 ans, le syndicat représente aujourd’hui plus de 6 000 professionnels répartis dans 281 métiers reconnus. Il défend leurs droits, forme les nouvelles générations et valorise leur travail à travers un réseau de boutiques à Paris, dont l’impressionnant concept store EMPREINTES dans le Marais. Il est aussi copropriétaire du salon international MAISON&OBJET, preuve que le savoir-faire peut être culturellement essentiel et économiquement viable.
Le dernier grand événement organisé par Ateliers d’Art de France – Révélations au Grand Palais – avait attiré 45 000 visiteurs en seulement cinq jours. Ce succès annonce une belle fréquentation au Carrousel du Louvre l’automne prochain, à un moment où le public se montre de plus en plus sensible à l’artisanat durable et authentique. De nombreux monuments français subissent aujourd’hui des rénovations énergétiques ; les artisans capables d’isoler une fenêtre du XVIIe siècle sans en altérer le profil trouveront des clients plus qu’attentifs. D’autres seront sollicités pour rendre le patrimoine accessible tout en respectant les codes de sécurité modernes, un équilibre aussi technique que délicat.

Photo credits: Atelier Camuset, Lily Panel – material coatings © Atelier Camuset; Atelier de Ricou, Restoration site at the Casino d’Évian © Atelier de Ricou; Ateliers Duchemin, Restoration of Louis Barillet’s stained-glass windows at Lycée Hélène Boucher, Paris © Ateliers Duchemin; Rémy Motte © Alex Gallosi; Atelier Mériguet Carrère © Alex Gallosi.

Parcourir le salon, c’est feuilleter une encyclopédie vivante. Un panneau de plâtre botanique de l’Atelier Camuset montre comment les pigments naturels donnent une profondeur inimitable. Juste en face, les Ateliers Duchemin exposent des vitraux restaurés de Louis Barillet issus du lycée Hélène Boucher, dont les couleurs brillent à nouveau après un siècle de pollution parisienne. Non loin, l’Atelier de Ricou présente les frises dorées du Casino d’Évian, et l’équipe de Mériguet Carrère partage les secrets des vernis réversibles, qui permettent aux restaurateurs du futur de revenir sur les choix d’aujourd’hui.
On peut se laisser porter par la poésie de tout cela, mais le salon est aussi un lieu de travail : des commandes se signent, des stages s’organisent, des techniques se transmettent. Le matin, juste après l’ouverture, on entend la rumeur feutrée de négociations en plusieurs langues. Le soir venu, cette rumeur se transforme en joyeux brouhaha dans le café éphémère, où les cordistes discutent avec des restaurateurs de harpes autour d’un verre.
À Paris, fin octobre peut être gris. Mais sous les voûtes du Carrousel du Louvre, les couleurs seront tout sauf ternes. Bronze vert-de-gris, verre malachite, noyer patiné, soies précieuses : chaque nuance de l’ingéniosité Art Déco sera là, portée par les mains expertes qui en assurent la résurrection. Que l’on soit conservateur, propriétaire d’une mosaïque fragile ou simple amoureux du bel ouvrage, le Salon International du Patrimoine Culturel 2025 promet quatre jours de découvertes, de rencontres et d’inspiration sous les galeries les plus célèbres du monde.
Comments